Démarche artistique

En employant la peinture encaustique, un procédé ancestral à base de cire d’abeille, je créé des tableaux sur bois et des monotypes sur papier. Ce médium me permet de réaliser un palimpseste en multipliant les couches de cire et de texte. Ainsi, je tente de faire voir l’inaudible en faisant taire tous les codes du langage; en brouillant les signes pour transformer l’écrit en œuvre à la mémoire de l’invisible.

Différentes branches des sciences humaines ont étudié le silence; tant la philosophie, la psychologie, la sociologie et la psychanalyse l’ont analysé, segmenté et qualifié. Ces chercheurs et théoriciens ont prouvé au fil des décennies que le silence est multiple et c’est à cette pluralité que je m’intéresse dans ma pratique artistique. Il est, entre autres, la douceur, le calme, la réflexion, l’intériorité, la rêverie éveillée. Son pendant est plutôt brutal; il est tension, malaise, rupture, menace, abandon, vide, mort. C’est lui qui marque le rythme, donnant un espace qui rend le langage et l’écrit compréhensibles. J’explore la complexité du silence et non son idéalisation, représentant un fantasme exempt de bruit et de perturbation.

Dans ma pratique artistique, je me sers de l’écrit comme vecteur puisqu’il est un acte de silence et qu’il demeure silence tant qu’il n’est pas lu et transmis. Afin de rendre visibles les différents types de silence, j’utilise plusieurs stratégies de désintégration et d’enfouissement de la langue. Ainsi j’emploie la destruction, l’auto-effacement, l’écriture blanche, la réapparition de signes effacés, la réécriture, les ratures, la superposition, j’omets la ponctuation et parfois même les espacements entre les mots sondant de cette manière le trop plein, l’inintelligible qui devient vide au même titre qu’une surabondance de paroles se perd et se transforme en inaudible. Je mets en œuvre l’illisible dans le but de créer un espace nouveau à l’aide de référents que nous connaissons, mais qui deviennent indisponibles dans une idée de non-communicabilité. Bien que le texte soit réfléchi et sensé, il est sublimé par ce procédé. Ce refus de rendre accessible à tous mes réflexions et questionnements est également une opposition à faire partie de cette divulgation abusive de soi devenue possible sur les différents réseaux sociaux. Cette écriture blanche, libérée de toute servitude au langage, laisse place à l’intériorité.

Durant la création d’une œuvre s’établit un rituel long et fastidieux, sorte d’éloge à la lenteur. Alors que les couches et les retraits se multiplient, un brouillage se crée, référent au mouvement de la pensée continuellement rompu et simultanément modifié. J’investigue ainsi le processus de la pensée et la complexité de la conscience. J’inscris avec l’encaustique, afin de ralentir le flot d’idées, je laisse une trace de ce processus, de ce qui a été et qui n’est plus.

Détail, peinture encaustique sur bois
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